[Terminé]Can you feel the love tonight ? [Kyoichi]

Spoiler:

- Même toi tu me trouverais bête de choisir une tenue spécialement pour toi...

- Je crois qu'ils ont enfin compris qu'ils n'avaient pas attribué d'hôte au mec louche qui traîne tout le temps au bar..

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- Est-ce que mon barman préféré pourrait servir un mojito à son client préféré ?...

Spoiler:

J'enfilai ma veste sans manche et me précipitai en dehors de mon appartement dont je fermai la porte à clé avant de courir jusqu'au rez de chaussée. Une chance pour moi, je ne me vautrais pas royalement comme j'avais la si magnifique habitude de le faire lorsque j'étais le plus pressé. Car là j'étais vraiment, mais vraiment très en retard... il me fallait presque un quart d'heure pour aller au Club et à cette heure-ci j'aurais déjà du être dans les vestiaires. Non mais quel idiot aussi de m'être endormi dans la douche... cela restait d'ailleurs encore un mystère pour moi, comment avais-je fait pour ne pas me casser la gueule? Les gens dormaient rarement debout quand même... mais apparemment, moi si.

Arrivé dans la rue, je me mis à courir. Je devais sans doute avoir l'air très malin, mais si je ne voulais pas être trop en retard c'était le seul moyen. Au pire je me prendrais cinq petites minutes pour me remettre avant de mettre en place mon bar... en plus de ça, l'inventaire avait été fait dans la journée normalement donc je devrais avoir un peu moins de travail de préparation que d'habitude.

Je mis juste dix minutes à arriver au Club et je m'engouffrai à l'intérieur par la porte de service. Une fois dans les vestiaires, je me laissai tomber sur un banc sous le regard amusé des autres employés. Tant pis si j'avais l'air d'un abruti à buffer comme un âne, mais j'avais vraiment jamais courus aussi vite de toute ma vie. Eh oui, ce n'était pas parce que j'étais le fils du patron - qui ne se pointait d'ailleurs qu'une heure, une fois par semaine - que je ne faisais pas comme si j'étais un simple employé. Et si je faisais ça, m'était d'avis que les autres me tueraient. Je me levai après un petit moment et allai jusqu'à mon bar.

Il n'aurait pas fallu que j'arrive cinq minutes plus tard, car je ne terminai de tout installer que lorsque le Club ouvrit, je n'eus donc pas le temps de me poser, on me demandait déjà de préparer les bouteilles de champagnes et des cocktails. Heureusement pour moi, j'aimais bien faire ça, j'étais entouré de monde et je devais faire la conversation à ceux et celles qui attendaient un hôte ou une hôtesse. Plus le temps passait, et plus la salle se remplissait... j'observais les hôtes, me remettant bien en tête qu'ils étaient tous des vampires. Au fond, c'était effrayant.

Alors que je préparais un énième cocktail pour un client qui allait réellement finir rond comme une queue de pelle, j'aperçus un visage familier s'approcher du comptoir en essayant de ne pas se faire voir. Je ris doucement, j'aimais bien le voir faire, il semblait tellement éviter de se retrouver avec un hôte.

- Est-ce que mon barman préféré pourrait servir un mojito à son client préféré ?...

Mon sourire s'aggrandit et je m'approchai de lui. Je posai une main sur son épaule et me penchai pour regarder derrière lui et je fis mine de regarder partout.

- D'accord, je veux bien, mais il faut d'abord me dire où il est.

Je fis une petite moue qui se transforma finalement en un sourire taquin et j'attrapai un verre. C'était bien trop tentant de le taquiner pour ne pas le faire et puis il n'était pas susceptible comme certain alors je ne voyais pas pourquoi je m'en priverais.

Je commençai néanmoins à lui préparer son cocktail, je ne voulais pas non plus qu'il me boude.

- D'accord, je veux bien, mais il faut d'abord me dire où il est.

- Ça ne serait pas lui ton client préféré ?...

- En tout cas ça doit être celui qui consomme le plus... Tu peux lui donner du jus d'orange à boire, tu sais, je crois qu'il ne s'en apercevra même pas...

Heureusement pour moi, si je puis dire, Shouta s'amusa de ma réplique. Je pense que je pouvais aisément dire qu'il était la personne avec qui je m'entendais le mieux ici, et lorsqu'il n'était pas là les soirées me semblaient vraiment ennuyeuses... pas que ce n'était pas amusant de parler avec des gens à moitié bourré mais c'était sympa aussi d'avoir des discussions qui avaient un tant soit peu de cohérence. Bon certes je devais bien avouer que je n'étais pas là pour ça, mais passer des heures sans discuter alors que l'endroit était bondé, très peu pour moi.

Et puis quand j'étais avec Shouta je ne voyais pas le temps passer, cela arrivait rarement même quand j'étais avec des gens que je connaissais depuis mon arrivée. Et même si les gens du Club n'était pas vraiment enchanté de le voir venir, je crois que je l'attendais avec impatience... et j'étais bienheureux qu'il passe son temps avec moi, il était tellement différent des autres qui fréquentaient l'endroit que je savais que je pouvais lui faire confiance, et que quoi que je pourrais lui dire ça ne resterait qu'entre nous. Je n'avais pas spécialement de secret - sauf un - mais je n'étalais pas non plus ma vie à tout bout de champ, et quand il m'arrivait d'en parler autant que ça reste seulement entre moi et la personne à qui je me confiais.

Je terminai le cocktail et le posai sur le comptoir, devant Shouta alors que je me rendais compte que son regard se baladait dans la salle. Espèce de voyeur. Un sourire amusé se glissa sur mes lèvres, il le faisait à chaque fois, mais je dois dire que parfois c'était en effet amusant de voir les gens faire. Cela dit j'évitais de porter mon regard sur les vampires, ah je les aimais beaucoup pour la plupart, mais lorsqu'ils s'occupaient de leurs clients c'était un tout autre monde. Je me demandais parfois comment mon père, qui était à la base un simple comptable de génie dans une entreprise tout ce qu'il y avait de plus banal, avait pu tout d'un coup vouloir s'occuper de ce genre de Club... et comment il en était arrivé à en diriger un qui employait des vampires. S'il n'avait pas rencontré Kinoshita-san, il n'en aurait jamais eu l'idée, j'en étais persuadé.

Je secouai discrètement la tête pour éloigner ces pensées et attrapai une paille pour la mettre dans le verre de Shouta alors que celui-ci me désignait l'homme de tout à l'heure. Je tournai les yeux vers lui.

- Ça ne serait pas lui ton client préféré ?...

Je pinçai les lèvres pour me retenir de rire, c'est vrai que ce type faisait un peu pitié, mais je pouvais quand même pas le virer... c'était un des plus riches clients de l'île - bien moins que Kinoshita-san tout de même - alors si j'osais dire quelque chose je risquerais probablement de me faire taper sur les doigts. Quoique si cela continuait je serais bien obligé de faire quelque chose, sinon il nous fera un coma éthylique... et c'est moi qui aurais des problèmes parce que monsieur ne savait pas être raisonnable.

- Oui c'est mon préféré, à tel point que je compte plus les verres que je lui sers.

- En tout cas ça doit être celui qui consomme le plus... Tu peux lui donner du jus d'orange à boire, tu sais, je crois qu'il ne s'en apercevra même pas...

Mon sourire s'agrandit. Il ne s'en rendrait pas compte, c'était certain, et je dois dire que ça pourrait être marrant de faire ça. Mais si ça venait à se savoir je passerais un mauvais moment. Bon, j'étais au travail quand même, fallait pas que je me moque des mes clients... mais c'était tellement tentant en même temps.

- Tu as sûrement raison mais par précaution je le ferais pas, j'ai pas envie d'avoir un vieux poivrot énervé à mon bar.

Je ris nerveusement. Car ça m'était déjà arrivé, et je trouvais ça tout sauf drôle. C'est que c'est violent un homme saoul quand même... je ne comptais même plus le nom de tabouret qu'on m'avait cassé... mais étrangement, il y avait que moi qui énervais les clients... comme quoi être un vampire ça avait des avantages, ils étaient tellement beau et impressionnants que même s'il y avait un souci ça se terminait par un "oui bien sûr, nous comprenons, ça ne se reproduira pas"... ou alors c'était peut-être juste parce que j'étais trop sauvage quand on s'en prenait à moi. Mais ces temps-ci ça le faisait moins, heureusement, j'en avais marre de devoir réparer leurs dégâts.

Je plaquai doucement mes mains de chaque côté de son verre en lui souriant, on n'allait quand même passé notre soirée à observer ce type quand même, ça serait répétitif à la longue... déjà que pour moi ça l'était.

- Bon! Si tu me disais pourquoi tu reviens encore ici alors que tu ne prends pas d'hôtes et que les boissons sont au moins cinq fois plus chères que dans les autres bars?

Et ça je le savais bien, c'est moi qui m'occupais de faire la carte des boissons - après tout, qui connaissait mieux les cocktails que le barman, hein? - même si j'avais pas que ça à faire je dois dire... Je posai un coude sur le comptoire et appuyai mon menton sur ma main en faisant un sourire en coin à Shouta.

- Sans compter que certaines hôtesses commencent à se demander sérieusement ce qu'il leur faut faire pour pouvoir te conquérir.

- Oui c'est mon préféré, à tel point que je compte plus les verres que je lui sers.

- En tout cas ça doit être celui qui consomme le plus... Tu peux lui donner du jus d'orange à boire, tu sais, je crois qu'il ne s'en apercevra même pas...

- Tu as sûrement raison mais par précaution je le ferais pas, j'ai pas envie d'avoir un vieux poivrot énervé à mon bar.

- Oh, dommage, je le sentais plutôt bien parti pour casser une ou deux chaises avant la fin de la soirée...

- Bon! Si tu me disais pourquoi tu reviens encore ici alors que tu ne prends pas d'hôtes et que les boissons sont au moins cinq fois plus chères que dans les autres bars?

- Sans compter que certaines hôtesses commencent à se demander sérieusement ce qu'il leur faut faire pour pouvoir te conquérir.

- Tu n'essaierais pas de te débarrasser de ton second meilleur client ? Dis-le si tu ne veux plus de moi ici je te comprendrais tu sais...

- Et pour me conquérir...

- ... Il faut avoir l'air un peu plus... vivantes qu'elles....

- Et puis, avoir un sens de l'humour particulièrement développé, être barman, et s'appeler Kyoichi, mais à part ça, se sont mes seuls critères.

Il s'appuya lui aussi au comptoir - si on nous voyait, et on nous voyait c'était certain, les gens allaient finir par se demander ce que nous étions en train de faire - et me regarda. Pourtant, à son visage je vis bien qu'il était en train de réfléchir à ma question... ou bien était-ce à la réponse qu'il allait me donner... non, me dîtes pas qu'il n'avait pas de raison de venir... haha juste pour dépenser de l'argent. Non, Shouta venait peut-être d'une famille riche, j'avais quand même compris qu'il n'était pas un gosse pourri et capricieux qui dilapidait la fortune de la famille.

Bon, j'étais peut-être un peu trop curieux, mais en tant qu'ami j'avais tout de même bien le droit de lui poser cette question, non? Encore une fois, je doutais qu'il le prenne mal, mais j'attendais toujours sa réponse...

- Tu n'essaierais pas de te débarrasser de ton second meilleur client ? Dis-le si tu ne veux plus de moi ici je te comprendrais tu sais...

Mon sourire resta ancré sur mes lèvres alors que Shouta prenait une mine toute triste mais terriblement craquante. Ah, décidément, je comprenais pourquoi certaines hôtesses voulaient l'avoir comme client. Il était peut-être timide, mais il était tellement mignon que c'était difficile de ne pas lui trouver du charme. Ce serait peut-être bien d'ailleurs qu'un jour il essaye d'aller avec l'une d'elles... je pourrais peut-être lui en parler, même si cela m'inquièterait s'il passait du temps avec une de ces créatures. Mais je serais là pour surveiller de toute manière... hum...

- Et pour me conquérir...

Je reportai mon attention sur Shouta, aussitôt alerté par les mots qu'il venait de prononcer. Beh quoi? C'était bien de savoir, comme ça je saurais quoi répondre aux filles lorsqu'elles me poseraient la question, ou se poseraient la question entre elle et que je les entendrais. Shouta arrivait quand même à bien faire parler de lui en agissant comme un intouchable, mais j'étais sans doute le seul à trouver cela amusant.

Il posa son regard sur une hôtesse, mais pour ma part je restai quelques secondes accroché à son beau visage. Il avait même un très beau visage, c'était pas la première fois que je me faisais la réflexion d'ailleurs. Je détournai finalement les yeux sur la même personne que lui.

- ... Il faut avoir l'air un peu plus... vivantes qu'elles....

Je me mordis brusquement la lèvre pour ne pas me mettre à rire, et je baissai les yeux. Plus vivantes? J'avais presque envie de dire que ce n'était pas très difficile à faire étant donné qu'elles étaient déjà mortes depuis plus ou moins longtemps, mais qu'en même temps elles resteraient sur terre probablement à tout jamais... quelle ironie! Haha s'il savait! Quoique non, il ne valait mieux pas qu'il le sache car il prendrait peur... et je le comprendrais totalement d'ailleurs. Mais moi, j'avais tellement l'habitude de les cotoyer, et je savais aussi à quelles conditions ils étaient ici alors bon c'était pas si terrible de les avoir ici.

Hum cela dit... je me demandais bien ce qu'il voulait dire par "vivantes", vu qu'il ne savait pas ce qu'elles étaient. Peut-être les trouvait-il fausses ou superficielles... et c'était un peu le cas au Club, mais pas forcément à l'extérieur. Dans cet endroit on portait tous un masque - moi peut-être moins -, mais je ne trouvais pas leur comportement différent de certains humains après tout.

- Et puis, avoir un sens de l'humour particulièrement développé, être barman, et s'appeler Kyoichi, mais à part ça, ce sont mes seuls critères.

Je relevai les yeux alors qu'il riait doucement. Une petite moue se plaça sur mes lèvres, mais qu'est-ce qu'il était en train de dire? Je lui posai une question sérieusement - enfin dans la mesure où j'arrivais à être sérieux - et voilà ce qu'il me répondait? Je gonflai légèrement mes joues, prenant un air boudeur.

- Ha ha très amusant. Je te parle sérieusement pour une fois, tu pourrais faire de même, neeeee?

Je lui tirai la langue et me redressai. Finalement, je n'aurais pas appris grand-chose si ce n'était qu'il n'avait peut-être pas envie de répondre à ce genre de question. Bon au moins pour la prochaine fois où j'aurais une question un peu personnelle à lui poser, je m'abstiendrais. Ce n'était pas si grave de toute façon, il avait bien le droit de garder ces choses pour lui, c'était sans doute normal au fond.

J'allais ajouter autre chose quand un bruit sur le comptoir me fit soupirer. C'était pas un bruit comme quand on fait tomber quelque chose, nan nan, c'était un léger coup délibérément porté sur le zinc. J'allais donc voir celui qui venait de m'appelait en reprenant mon sourire. Je me demandais bien quel alcool fort il allait encore me demander de lui servir? Mais si ça continuait, je ne donnais pas cher de sa peau. Et il me demanda une vodka... encore une! Je réprimai un soupir et attrapai la bouteille de vodka puis un verre. Son regard ne me lâchait pas, et il finit par parler à nouveau.

- Dîtes-moi jeune homme, est-ce que vous faîtes autre chose que servir des verres à vos...clients?

Je relevai la tête vers lui, les yeux légèrement écarquillés de stupeur. Non, mais qu'est-ce qu'il voulait dire là? Faut dire que je ne m'attendais pas à ce qu'il sorte ça comme ça, surtout avec tous les verres qu'il avait bu... Je ne répondis rien, mais je pense qu'il prit cela pour un assentiment, et quand je posai son verre devant lui, il posa sa main sur la mienne et la remonta le long sur mon poignet, le caressant doucement. J'arquai un sourcil alors que ses lèvres dessinaient un sourire pervers.

- Vous ne voudriez pas me montrer après votre service?

Ah oui, d'accord, donc il avait vraiment en tête de me ramener chez lui ce soir... non mais s'il voulait tirer son coup il aurait tout aussi bien pu prendre un hôte hein? Moi j'étais pas là pour ça. Mais plutôt que de m'énerver, je décidai de bien lui faire comprendre ma façon de voir les chose. Je lui fis donc un sourire provoquant et me penchai doucement vers lui.

- Je suis trop bien pour toi... en plus à ton âge et avec tout l'alcool que tu as bu, tu n'arriveras même pas à bander...

Son visage se décomposa, il n'avait déjà pas une bonne mine mais là c'était encore pire... pourtant j'aurais pu parier que c'était impossible. Je me redressai, pensant qu'il partirait à présent que je lui avais foutu la honte.

- Sale petit con!

Il resserra sa prise sur mon poignet et m'attira à nouveau vers le comptoir, je serrai les dents et tentai de me dégager, en le fusillant du regard. Non mais il me prenait pour une pute et j'avais le droit de rien dire? Et puis quoi encore!? Il fallait qu'il sache à qui il avait à faire!

- Ha ha très amusant. Je te parle sérieusement pour une fois, tu pourrais faire de même, neeeee?

- Dîtes-moi jeune homme, est-ce que vous faîtes autre chose que servir des verres à vos...clients?

- Vous ne voudriez pas me montrer après votre service?

- Je suis trop bien pour toi... en plus à ton âge et avec tout l'alcool que tu as bu, tu n'arriveras même pas à bander...

- Sale petit con!

- T'as intérêt à dégager tout de suite...

- ... Il est pas là pour satisfaire tes besoins, va voir ailleurs pour ça !

- ... Ca faisait pas vraiment crédible... Mais, ca va ? T'as rien ?

- J'espère qu'il a payé chaque verres au fur et à mesure... Sinon t'as perdu au moins 70% des bénéfices de ce soir...

Ce n'était pas la première fois que j'avais affaire à quelqu'un de ce genre, c'était même devenu une habitude ici... cela dit, ils ne se montraient pas violent, en tout cas pas avec moi. Ils criaient, certes, cassaient des tabourets, certes, mais ne s'en prenaient jamais à moi et je dois dire que je n'y avais jamais vu aucun inconvénient. Qu'ils s'éclatent contre le mobilier autant qu'ils voulaient si ça pouvait leur faire plaisir, mais qu'ils soient brutaux avec moi ça n'allait plus. Je n'avais pas réellement envie d'être blessé, mais ce n'était pas spécialement pour moi, c'était pour les hôtes que je pensais à ça. Je me fichais qu'on me passe à tabac même, j'en avais vu d'autres durant ma scolarité, mais avec des vampires autour, si je venais à saigner ce serait l'hécatombe et l'identité des hôtes serait découverte. Ce n'était pas quelque chose que je souhaitais, étant donné qu'ils ne faisaient - plus - de mal à personne à présent, ils pouvaient "vivre" tranquillement.

Pourtant, bien que je les appréciais beaucoup - pour la plupart car évidemment il y avait des exceptions, mais pour le coup je n'y étais pas pour grand chose -, je savais aussi très bien que s'il y avait un souci, je devais me débrouiller tout seul, et encore une fois pour qu'ils ne se retrouvent pas dans une situation compromettante - écraser le crâne de quelqu'un d'un coup de main par exemple -.

Aussi, alors que je tentais de me défaire de la prise - étonamment puissante de ce vieux pervers ivre -, je fus plus que surpris de voir une main se poser sur celle qui m'entravait. Je m'attendais vraiment à tout, sauf à ce qu'on vienne me défendre. Je relevai les yeux pour m'apercevoir - ou plutôt confirmer - qu'il s'agissait de Shouta. Alors là, venant de lui c'était encore plus ahurissant, bien que cela me faisait chaud au coeur qu'il vienne s'en mêler.

- T'as intérêt à dégager tout de suite...

Je me mordis la lèvre en sentant les doigts de l'homme se resserrer encore une fois sur mon poignet. Il n'avait pas vraiment l'air très impressionné par Shouta apparemment, pourtant il semblait plus que déterminé. C'était la première fois que je lui voyais cette intensité de regard, comme s'il n'était pas près de lâcher l'affaire. Pourquoi me défendait-il? Enfin, même s'il était un ami je ne voyais pas pourquoi il prenait des risques pour moi, et ce n'était pas comme si nous n'avions jamais regardé ensemble les tabourets de mon bar se faire fracasser, mais aujourd'hui c'était différent.

Shouta repoussa finalement la main de l'homme qui me lâcha et je reculai d'un pas alors qu'il toisait - façon de parler - Shouta.

- ... Il est pas là pour satisfaire tes besoins, va voir ailleurs pour ça !

J'espérais que ça en resterait là, je ne voulais pas que Shouta ait des problèmes à cause de moi tout de même, je m'en voudrais beaucoup... c'était quelqu'un de bien et je ne voulais pas être un boulet pour lui tout de même, simplement parce que nous étions amis. L'homme gromella quelques phrases inintelligible, quoique je pouvais aisément en supposer le sens, et Shouta aussi sans doute, et se leva d'un coup. J'étais toujours sur mes gardes, il avait toujours la possibilité de balancer le tabouret en travers du club après tout, mais au lieu de ça, il repartit en zigzaguant dangereusement jusqu'à la sortie. Il faudrait que je prévienne les hommes de la sécurité de ne plus le laisser entrer ici, même s'il était riche, il dépassait les bornes...

Je me passai une main sur le visage en soupirant. Bon voilà, l'incident de la soirée avait eu lieu, la fin de soirée serait peut-être plus calme, avec un peu de chance.

- ... Ca faisait pas vraiment crédible... Mais, ca va ? T'as rien ?

Je tournai la tête vers Shouta et un sourire se glissa sur mes lèvres. "Pas crédible"? ça l'avait été bien assez pour faire partir ce poivrot, c'était déjà pas mal. Et même si j'avais, jusqu'à présent, eu du mal à imaginer Shouta se mettre en colère - il semblait toujours trop gentil -, je me rendais compte finalement qu'il était plus fort de caractère que je ne le pensais... et ça rajoutait à son charme. Ah! Si des hôtesses avaient vu ce qui s'était passé alors je devrais répondre à encore plus de questions.

- Oui, ça va. Plus de peur que de mal...

Heureusement d'ailleurs. Bon, j'allais probablement avoir mal au poignet toute la soirée, mais ça passerait rapidement, et au moins j'étais le seul à avoir subit quelque chose. Au final, je n'avais pas à me plaindre, ça aurait pu bien plus mal finir.

- J'espère qu'il a payé chaque verre au fur et à mesure... Sinon t'as perdu au moins 70% des bénéfices de ce soir...

Je ris et hochai doucement la tête. Lorsqu'il s'agissait de poivrots, je faisais toujours en sorte qu'ils me payent à chaque verre, sinon à la fin ils partaient sans payer... je m'étais fait avoir plusieurs fois quand je débutais juste en tant que barman, alors j'avais vite pris l'habitude de le demander. Mais pour des personnes comme Shouta, je savais que je ne risquais rien alors pas besoin de gâcher l'ambiance avec ce genre de souci.

- Tinquiète, il n'y a que cette vodka qu'il n'a pas payé, mais il ne l'a pas bu d'ailleurs...

Je ramassai les verres vides et les posai dans l'évier, je les nettoierais plus tard, pour le moment je devais encore me remettre de mes émotions. Ce n'était pas pour rien que je n'aimais pas me fâcher avec les gens, les cris me tétanisaient toujours autant que lorsque j'étais gamin. J'avais entendu tellement de fois mes parents se disputer, que maintenant le moindre cri me donnait envie de me réfugier là où je ne les entendrais plus.

J'attrapai le verre de vodka qui restait et après une seconde de réflexion, je le posai sur le comptoir devant Shouta en souriant à nouveau - restait trop longtemps sans sourire paraitrait suspect, et je ne voulais inquiéter personne, enfin pas plus -.

- Tiens! Pour te remercier d'avoir joué les anges gardien pour moi.

Bien sûr, je pouvais faire mieux que ça, mais au Club je n'étais pas totalement libre de faire ce que je voulais. Je ne pouvais pas être aussi démonstratif que je l'étais dans ma vie de tous les jours, mais bon je trouverais un moyen de me rattraper.

- Oui, ça va. Plus de peur que de mal...

- J'espère qu'il a payé chaque verre au fur et à mesure... Sinon t'as perdu au moins 70% des bénéfices de ce soir...

- Tinquiètes, il n'y a que cette vodka qu'il n'a pas payé, mais il ne l'a pas bu d'ailleurs...

- Quelle idée de laisser une si bonne vodka...

- Tiens! Pour te remercier d'avoir joué les anges gardien pour moi.

- Je devrais faire ça plus souvent... Ça me rapporterai des verres gratuits.

- Bon, au moins, il ne t'aura pas cassé de chaises... Remarque ça fait longtemps que je n'ai pas assisté à un tel spectacle, ouuh~ ca me manque !

Il me rendit aussitôt mon sourire et ses doigts se saisirent du verre de vodka que je venais de placer devant lui. Beh tiens! Cela m'aurait étonné qu'il refuse, même si je ne l'avais jamais vu saoul, d'ailleurs il ne buvait pas tant que ça en y pensant bien, mais je savais les alcools qu'il aimait, même si ce n'était qu'à petites doses. Mais après tout, il faisait ce qu'il voulait, tant qu'il restait au bar avec moi, il pourrait même ne rien boire cela ne me dérangerait pas. Parce que oui je devais bien avouer que, en dehors du fait que je m'inquièterait s'il prenait une hôtesse, cela me déplairait qu'il ne passe pas du temps avec moi. J'aimais sa compagnie, peut-être un peu trop d'ailleurs pour un simple client mais qui s'en souciait? Ce n'était pas comme si ma façon d'agir serait différente si je me fichais de lui, je m'occupais de tout le monde de la même manière, c'était sans doute pour ça qu'ici les gens avaient du mal à savoir ce que je pouvais bien penser... mais tant qu'à faire, je préférais que ce soit ainsi.

- Je devrais faire ça plus souvent... Ça me rapporterait des verres gratuits.

Il rit et mon sourire s'aggrandit. Je savais bien qu'il disait ça pour me taquiner, peut-être qu'il pensait comme moi qu'un simple verre de vodka n'était pas un réel remerciement... certes ça aurait bien été suffisant pour le pauvre poivrot du coin, mais pour lui, nous étions amis alors forcément... mais encore une fois, même si je le considérais comme un ami, ce n'était valable qu'au club, je ne connaissais pas vraiment ses goûts sur toutes autres choses... puisque comme plus tôt, il disait des bêtises quand je lui posais des questions sérieuses. Malheureusement, il était ainsi, et j'aimais bien ça, je pouvais pas le nier. Cela dit, le connaître plus ne serait pas déplaisant... sans doute devrais-je lui en parler, ça pourrait être sympa de se faire des sorties... et comme ça, ça le changerait un peu de l'ambiance particulière du club.

Je connaissais l'île comme ma poche - pour avoir étudier et réétudier les plans dans les dossiers - alors ce n'était pas les endroits sympa et calmes qui manquaient... m'enfin, il fallait bien que je me dise que si ça se trouve il ne voudrait pas me voir ailleurs. On s'entendait bien mais bon peut-être qu'au final je n'étais pour lui qu'une connaissance dans un bar un peu spécial et effrayant.

M'enfin, émettre des hypothèses n'avanceraient à rien, et surtout ça ne me ferait pas faire mon travail plus vite alors autant ne pas partir là-dedans... Je pris les verres propres pour les ranger à leur place en attendant de m'en servir à nouveau.

- Bon, au moins, il ne t'aura pas cassé de chaises... Remarque ça fait longtemps que je n'ai pas assisté à un tel spectacle, ouuh~ ca me manque !

Je tournai la tête vers Shouta alors que son visage prenait un air sérieux. Mais oui, c'est ça! Quel spectable très amusant de regarder mon pauvre - et très joli d'ailleurs - mobilier de bar se faire détruire. En tout cas il savait toujours quel sujet abordé pour m'ennuyer, mais je crois qu'au fil du temps c'était devenu une sorte de jeu entre nous, à celui qui taquinerait le plus l'autre. Je fis une moue blasée et tendis le bras pour attraper un torchon que je lui lançai au visage.

- Haha très drôle, la prochaine fois tu diras ça à mon patron, tu feras pas la même tête!

Je fis un sourire en coin. Oui, j'évoquais rarement le fait que le propriétaire et patron du club était mon père. Pas que j'avais honte, mais je n'en étais pas pour autant très fier... ce n'était que mon père après tout, et je savais bien ce qu'il valait quand il le voulait - et je ne parle pas au sens élogieux de la phrase -.

Un autre client arriva au bar, attendant probablement que son hôtesse favorite vienne le prendre en charge pour un bout de la soirée. J'allai donc le servir, voilà la routine de la soirée repartait, mais heureusement Shouta était là pour qu'elle soit un peu moins barbante.

Les heures défilèrent donc ainsi, les clients commençaient à partir, même s'il en restait toujours... dont Shouta d'ailleurs. Mais il allait probablement pas tarder à suivre le mouvement... le problème était que j'aurais bien aimé qu'on reste encore un peu ensemble, mais le travail que j'avais à faire après la fermeture ne se ferait pas tout seul. Je me tournai vers la salle lorsqu'un employé - qui avait terminé son service - m'interpela, il s'avança vers moi.

- Je... je peux te demander quelque chose? entama-t-il avec hésitation.

Je hochai la tête et le suivis lorsqu'il me fit signe qu'il voulait me parler seul à seul. Bon, c'est vrai qu'en dehors de Shouta il restait aussi deux autres clients qui semblaient intéressés par tout ce qui pouvait se dire autour d'eux... c'est fou comme l'alcool pouvait rendre la vie plus facile, on était heureux rien qu'en entendant des bribes de conversation...

- Ano... demain je ne pourrais pas rester toute la soirée, alors je me demandais si cela te dérangeait qu'on échange les fermetures? Je la ferais ce soir et toi demain...

- Hum... beh oui si tu veux, ça me dérange pas.

Je lui souris et il s'inclina légèrement avant de s'éloigner. Non, ça ne me dérangeait absolument pas... même, cela m'arrangeait complètement. Son empêchement tombait à pic, au moins je ne partirais pas en pensant à la façon dont quelqu'un d'autre allait ranger mon bar. Souriant toujours, je retournai vers Shouta et décidai de me lancer.

- Neee Shouta-kun, j'ai terminé mon service pour ce soir. Tu voudrais bien me raccompagner?

Je penchai légèrement la tête sur le côté et battis des cils pour l'amadouer. J'espérais vraiment qu'il accepterait, cela me donnerait sans doute l'occasion de le remercier comme il se devait pour m'avoir aidé tout à l'heure. Peut-être que pour n'importe qui ça pouvait ne rien représenter d'important, mais pour moi qui m'attendais toujours à devoir me débrouiller par mes propres moyens, j'étais touché par son geste.

- Haha très drôle, la prochaine fois tu diras ça à mon patron, tu feras pas la même tête!

- Ceci n'est pas une raison pour agresser ton client de manière aussi violente, barbare !...

- Neee Shouta-kun, j'ai terminé mon service pour ce soir. Tu voudrais bien me raccompagner?

- ... Oui bien sûr. Ca me ferait vraiment très plaisir !

- Ahem... Oui, tu comprends, avec le mec de tout à l'heure, on sait jamais... Je ne voudrais pas qu'il t'arrive quelque chose.

- Passe aux vestiaires récupérer tes trucs, et je t'attends ici si tu veux~

Shouta semblait un peu surpris par ma proposition, mais au fond je le comprenais. J'avais déjà plusieurs fois fait des fermetures avec lui - ce qui avait parut bizarre aux quelques employés qui restaient tard aussi -, mais nous nous étions toujours quitté devant le club, à 3h voire 3h30 du matin ce n'était plus vraiment une heure pour se raccompagner l'un l'autre, et personnellement j'avais juste envie de rentrer très vite chez moi pour me coucher. Mais là c'était différent, 2h, c'était encore une heure descente, surtout qu'on ne venait pas de se taper un temps presque infini de nettoyage.

- ... Oui bien sûr. Ca me ferait vraiment très plaisir !

Je souris à cette réponse, j'étais vraiment content qu'il accepte. Cela me donnerait sans doute un peu moins l'impression de n'être que le barman du club, et je ne serais plus obligé de jouer ce rôle. Je pourrais être moi et le lui montrer totalement, comme ça je pourrais me dire que si nous étions ami c'était vraiment parce qu'on se connaissait.

Il se leva, affichant un grand et magnifique sourire comme je ne lui en avais jamais vu auparavant, ce qui me fit sourire encore plus à mon tour. Au moins le retour jusque chez moi serait bien plus agréable et intéressant - et lent - que l'allée que j'avais encore été obligé de faire en courant. Bon, j'avais l'habitude et en général le soir je me faisais violence pour ne pas courir encore pour être plus rapidement chez moi. Beh quoi c'était quand même plus efficace! Et comme ça je m'endormais aussitôt... souci : je m'endormais avant d'avoir pu prendre une douche... mais bon comme c'était limite si je prenais pas trois douches par jour ici, ça pouvait aisément attendre une nuit de sommeil de plus.

- Ahem... Oui, tu comprends, avec le mec de tout à l'heure, on sait jamais... Je ne voudrais pas qu'il t'arrive quelque chose.

J'arquai un sourcil, un peu dubitatif mais content de ses paroles. Avait-il éprouvé le besoin d'ajouter une justification au fait qu'il veuille bien me raccompagner? S'il avait refusé, qu'il me donne une raison se comprenait, mais puisqu'il acceptait, ce n'était plus vraiment nécessaire.

En même temps, qu'il me dise qu'il s'inquiétait à cause de ce qui s'était passé plus tôt - et je sentais dans sa voix que c'était sincère -, me faisait à nouveau chaud au coeur. J'avais peu de gens ici qui se faisait du souci pour moi, ou peut-être simplement qui me le démontrait. Au moins c'était un point que nous avions tous les deux en communs, on ne cachait pas ce qu'on ressentait par des faux-semblants ou des fausses envies.

-Passe aux vestiaires récupérer tes trucs, et je t'attends ici si tu veux~

Ah! Oui tiens, heureusement qu'il m'y faisait penser car je serais bien parti sans mes affaires... ce qui aurait posé problème une fois chez moi si je n'avais pas eu mes clés de maison avec moi... hum j'avais un peu la tête ailleurs ce soir je crois, mais puisque Shouta pensait pour deux ça allait.

-Hai! Ne bouges pas, je me dépêches!

Je tournai les talons et partis vers le vestiaire des employés. Je me rendis compte qu'il était vide, cela voulait donc dire que la première salve était partie et que lorsque les clients seraient tous partis il ne resterait ici que les employés qui s'occupaient de la fermeture. C'était pas plus mal ainsi, je n'aurais pas à expliquer pourquoi je partais maintenant, le serveur qui m'avait demandé d'échanger nos plannings n'avait peut-être pas envie que cela se sache par tout le monde après tout.

J'approchai de mon casier et l'ouvris, je récupérai mon portable, vérifiant que je n'avais pas reçu de message ou d'appel ce qui n'était pas le cas. Mais les gens savaient les heures où je travaillais, ils savaient aussi que je ne gardais pas mon portable sur moi donc ils m'appelaient avant ou bien après... ou le lendemain ce qui était encore plus simple. Je repris aussi mon porte-feuille et mes clés et fourrai le tout dans mes poches. Je refermai la porte de mon casier et ressortis du vestiaire. De retour dans la salle principale du club, je retournai vers Shouta et lui souris.

- C'est bon j'ai tout, on peut y aller!

Je l'attrapai par le bras et tournai la tête vers les autres employés auxquels je fis un discret signe d'au revoir avant de sortir avec Shouta. Ouuups, je venais de me rendre compte de ce que je faisais. Pour moi, c'était habituel de prendre les gens par le bras ou par la main, mais ce n'était pas le cas de tout le monde et ça j'avais tendance à l'oublier. J'aimais bien m'accrocher aux gens, allez savoir pourquoi, je devais être un koala dans une autre vie... je lâchai donc Shouta, je ne voulais pas l'effrayer.

- Excuse-moi! Il m'arrive d'être un peu trop démonstratif.

Je me mis à rire et fourrai mes mains dans mes poches, sachant pertinemment qu'elles n'y resteraient pas longtemps, mais au moins le temps que je comprenne à me tenir en société ce serait pas mal. On ne pouvait n'empêche pas me reprocher d'être froid ou distant, comme certains - du genre mon paternel -, même si j'étais trop expansif, ça virait à l'excès. Mais de toute manière j'avais toujours été quelqu'un d'excessif, on n'y pouvait rien.

-Hai! Ne bouges pas, je me dépêches!

- C'est bon j'ai tout, on peut y aller!

- Alors al...

- Excuse-moi! Il m'arrive d'être un peu trop démonstratif.

- Non, ne t'inquiètes pas, c'est juste que j'ai t'ai jamais vu comme ça~ ... C'est que tu m'as pas habitué à ça au bar... Mais ça ne me dérange pas.

- Ah... Je ne sais même pas où tu habites... Par où doit-on passer ?

Je laissai mon regard s'évader devant moi quelques instants alors que nous marchions vers le centre-ville, je restais à une distance correcte de lui. J'espérais que je ne lui avais quand même pas fait trop peur, cela dit j'avais bien aimé le fait d'être un peu plus proche de lui, physiquement, en attendant d'être plus proche de lui spirituellement. J'étais persuadé que nous nous entendrions tout aussi bien qu'au bar à l'extérieur, sans trop savoir pourquoi je le sentais. Je n'étais pourtant pas quelqu'un qui faisait confiance à tout le monde et n'importe qui, c'était même plutôt le contraire même si je ne le montrais pas. Les personnes qui avaient ma confiance se comptaient sur les doigts d'une main : Hisaki, Kinoshita-san, mon père évidemment - même si des fois j'avais du mal - et Shouta. Les autres avaient beau être des amis, j'avais beau les apprécier beaucoup, il y avait toujours une distance que je mettais entre moi et eux, pour ne pas être déçu.

Je regardai à nouveau Shouta et vis qu'il souriait. Au moins je l'avais pas totalement rebuté de moi, c'était rassurant. J'avais généralement deux sortes de réactions à mon comportement, soit les gens pensaient que j'étais quelqu'un de collant, de romantique ou qui tombait facilement amoureux du premier venu et ils prenaient la fuite, soit ils se disaient que j'étais quelqu'un de facile, qui se laissait berner et ils restaient avec moi jusqu'à ce que je les ramène chez moi - c'était rarement l'inverse qui se passait -. Bon, certes, j'étais quelqu'un de frivole, mais j'étais pas naïf et encore moins débile, je savais ce que les gens avaient en tête lorsqu'ils commençaient à flirter, c'était pas difficile à imaginer d'ailleurs.

- Non, ne t'inquiètes pas, c'est juste que je t'ai jamais vu comme ça~ ... C'est que tu m'as pas habitué à ça au bar... Mais ça ne me dérange pas.

Je souris à mon tour, bon voilà au moins j'étais certain qu'il n'était ni dans l'une ni l'autre des catégories qui m'apparaissaient habituellement. Mais ça ne me surprenait pas, et puis il me connaissait un minimum, et même s'il devait se douter que j'étais du genre à m'amuser avec le premier venu, ça ne l'empêchait pas de vouloir être ami avec moi. Tant mieux si mon comportement ne le dérangeait pas, au moins je savais que je pourrais être totalement moi-même quand je serais avec lui en dehors du club - évidemment, je ne sautais pas au cou des gens lorsque j'étais au travail, pas que ça me gênerait mais je me ferais mal voir c'était certain -.

- Ah... Je ne sais même pas où tu habites... Par où doit-on passer ?

Mon sourire s'épanouit et la première chose qui me vint à l'esprit fut de me rapprocher à nouveau de lui et je passai un bras sous le sien, laissant ma main revenir sur son poignet. Je relevai la tête vers lui sans cesser de sourire. J'aimais décidément vraiment être tout près de lui, il m'apaisait et je me rendais compte que cela n'était pas vrai qu'au club où il détendait aisément l'atmosphère lorsqu'il y avait des soucis - ou pas d'ailleurs -.

- T'en fais pas, c'est pas compliqué, t'as qu'à pas me lâcher et je t'y emmènes.

Je tirai la langue en lui faisant un petit clin d'oeil et reportai mon attention devant moi. Maintenant que je le tenais, ce serait pas malin de tomber alors que je l'entraînerais dans ma chute... que je me vautre tout seul encore, ça passait, mais si je pouvais éviter de blesser les autres c'était pas plus mal quand même.

- Hum par contre... ce n'est pas tout près, mais je n'aime pas prendre les taxis... j'espère que ça ne t'ennuie pas de marcher.

Je relevai la tête et lui adressai un petit sourire ennuyé. Après tout, autant qu'il le sache tout de suite qu'on mettrait du temps à arriver au lotissement - il faut dire que la ville était grande - au cas où il préfèrerait ne pas s'ennuyer et prendre un taxi pour rentrer chez lui, enfin à sa résidence. Pour ma part, je ne montai en taxi - ou en voiture - que lorsque j'y étais contraint par le temps ou parce qu'il pleuvait beaucoup trop pour prendre le risque de faire le chemin à pied.

Shouta sentit son cœur rater un nouveau battement, si ce n’était pas plusieurs, lorsque Kyo s’approcha de nouveau de lui. Finalement, il n’avait pas tenu bien longtemps sans contact, c’était amusant de voir à quel point il était presque inconsciemment attiré par les autres. Mais rassurez-vous, Shouta n’était pas fou au point de refuser le rapprochement que le barman imposait avec naïveté. Au contraire, les sourires que Kyo lançait ne lui faisait qu’apprécier un peu plus le fait de le savoir aussi proche de lui. Sa présence était plus qu’agréable, il était heureux de savoir qu’ils pourraient être encore plus proches en dehors de leurs soirées au club. Lui qui pensait que leur amitié aurait pu se limiter à ce simple bar, on ne pouvait pas être plus content de s'être trompé.

- T'en fais pas, c'est pas compliqué, t'as qu'à pas me lâcher et je t'y emmènes.
- Okay, okay~

Ah ça, il ne le lâcherait pas, il pouvait en être sûr. Il aimait ce côté enfantin, joueur qu'avait Kyoichi ; et il comprenait un peu mieux qui pouvait-il être vraiment. Les soirées au bar étaient longues, Kyo travaillait, il se devait de paraître d'un certaine manière, de coller un peu plus à l'ambiance et au style du club. Mais quand le barman lui montrait toute sa gentillesse et son humour, Shouta était aux anges. Rien ne pouvait lui faire plus plaisir que de partager réellement quelque chose avec lui, quand bien même ce n'était que de l'amitié pour l'instant.

- Hum par contre... ce n'est pas tout près, mais je n'aime pas prendre les taxis... j'espère que ça ne t'ennuie pas de marcher.

C'est vrai qu'il n'en savait pas vraiment plus que ça sur Kyoichi ; ce n'était pas bête de tomber amoureux d'une personne qu'on connait aussi peu ? Sûrement, oui, il ne se serait jamais cru du genre, mais il fallait bien avouer que ce genre de choses ne se contrôlait pas, les sentiments qu'il éprouvait pour ce sublime barman en était la preuve.

- Non, non ne t'inquiètes pas~ Et puis le chemin passe beaucoup plus vite avec quelqu'un qu'on aime bien.

Qu'on aime tout court aussi. Mais ça, Kyo n'était pas encore sensé le savoir. Ca ne l'ennuyer pas du tout de marcher, au contraire même. Il pourrait ainsi profiter pleinement de la présence du barman sans se soucier, par exemple, d'un chauffeur un peu trop attentif ou curieux. Passer un peu de temps avec Kyoichi, juste eux deux, c'était ça qu'il attendait depuis des semaines. C'était d'ailleurs une occasion rêvée pour... dévoiler un peu plus de ses sentiments. Il ne se sentait pas vraiment capable de le cacher encore longtemps, et tant qu'à l'avouer, autant le faire dès le début de leur amitié en dehors de ce bar. Au moins, si refus il y avait, il serait bien moins douloureux qu'après avoir passés des heures à s'amuser ensemble.

Shouta se laissait guider par son ami, qui l'emmenait dans des quartiers qu'il n'avait jamais encore visité. Une multitude d'immeuble, mais loin d'être ceux que l'on pouvait croiser dans les banlieues de Tokyo. Non ceux-là paraissaient tout aussi beau et bien aménagés que les résidences des clients. Il les avait souvent vu de loin mais n'était jamais réellement passé par là, ces grands immeubles abritaient donc les appartements des employés... Ils devaient être loin d'être mal logés, si l'intérieur était tout aussi bien que l'extérieur.

- Ben dis donc... Je ne pensais pas que vous étiez aussi bien logés.

Il avait toujours pensé que les employés étaient logés dans de petits appartements, plutôt moyens, comme ceux que l'on pouvait trouver dans le centre ville de Tokyo. Mais finalement tout avait été prévu sur cette île, aussi bien pour les riches clients que pour les employés à leur service. Remarque, ce n'était qu'une juste contre partie. Il se retourna vers lui, l'air faussement choqué, mais surtout taquin.

- Rassure-moi... En fait ce n'est qu'une façade et en fait les employés dorment dans de petits cagibis grisâtre ?

A l'expression de son visage, je vis que le fait de devoir marcher n'avait pas l'air de le déranger outre mesure, ce qui m'arrangeait je dois dire... m'enfin s'il avait eut une réelle raison de vouloir prendre un taxi je pense que j'aurais simplement accepté, car ma raison de ne pas monter dans ces engins... enfin disons que, je préférais ne pas trop en parler. Il y avait peu de chose qui me mettait mal à l'aise à dire, celle-ci en faisait partie, tout autant qu'une autre qui ne franchirait probablement même jamais mes lèvres, ou alors il faudrait bien que la personne à qui j'en parlerais soit spécial pour moi, que j'ai une confiance aveugle en cette personne, c'était inévitable... et sans doute plus que normal, ce n'était pas quelque chose qu'on disait au premier venu. Ce n'était que des problèmes de famille, je ne voulais pas que quiconque se mette à regarder mon père ou le considérer différemment à cause d'une chose qu'il ne savait même pas.

Je m'exhortai à sortir rapidement de mes pensées, le plus naturellement possible sans avoir l'air de me reconnecter brusquement à la réalité, et c'est la voix de Shotua qui m'accueillit alors.

- Non, non ne t'inquiètes pas~ Et puis le chemin passe beaucoup plus vite avec quelqu'un qu'on aime bien.

Un sourire se dessina sur mes lèvres et je hochai doucement la tête. Oui, il avait bien raison, c'était nettement plus agréable avec quelqu'un qu'on apprécie... et j'étais content qu'il se dise ça plutôt que l'inverse d'ailleurs... quoique je doute que - même tout gentil qu'il était - il se serait donné la peine de faire quelque chose qu'il ne voulait pas pour quelqu'un qu'il n'appréciait que modérément. Mais bon, puisque nous étions à présent en dehors du bar et que ça ne changeait pas vraiment à notre façon de nous parler, je n'avais plus de souci à me faire à cause de cela.

Je suivis donc le chemin de chez moi, des lottissement des employés que Shouta ne devait pas connaitre, comme la plupart des personnes de l'île d'ailleurs. Enfin, ils devaient les voir, mais sans réellement savoir que c'était nous, petits employés de l'île paradisiaque de Rakuen, qui vivions ici, et peu de gens devait l'imaginer d'ailleurs parce que même de l'extérieur les immeubles étaient pas mal.

Les immeubles finirent par se dessiner plus nettement dans le paysage alors que nous nous engagions dans les dernières rues qui nous en séparaient. Je levai les yeux vers Shouta qui semblait, comme je l'avais pensé, surpris de nous voir nous en approcher.

- Ben dis donc... Je ne pensais pas que vous étiez aussi bien logés.

Mon sourire s'aggrandit, j'avais envie de lui dire que de toute manière c'était le cas de tout le monde. Mais nulle part sur cette planète, des employés basiques comme nous l'étions - il faut dire que nous n'étions spécialement qualifié, enfin pour la plupart d'entre nous, moi-même je n'avais pas fait énormément d'étude et je ne devais ma place qu'à ma curiosité qui m'avait poussé à lire tous ces dossiers, et à mon physique et mon caractère qui avaient donné à Kinoshita-san l'impression que je faisais partie d'un tel monde -.

Shouta rebaissa les yeux vers moi, me lançant un regard choqué qui me décontenança légèrement même s'il semblait aussi vouloir me dire une idiotie comme il en avait tant l'habitude.

- Rassure-moi... En fait ce n'est qu'une façade et en fait les employés dorment dans de petits cagibis grisâtre ?

Je me mordis la lèvre pour ne pas pouffer de rire. Oui, évidemment qu'il allait dire une bête ça ne pouvait être autrement. Je secouai doucement la tête avant de faire une moue et de lever un regard éploré vers lui. Il fallait bien que je joue le jeu non?

- Oui, tu as raison... c'est trop difficile je supporte plus ça!

Mais après un instant je ne pus m'empêcher d'éclater de rire, oui en effet c'était bien trop difficile. Je continuai d'avancer, nous ne tarderions pas à arriver au bas de mon immeuble. Il avait eu raison, pour une fois je n'avais pas vu le temps du retour passer. Mais je devais bien avouer que j'avais eu l'impression que ce moment avec lui avait été trop court justement. Me risquerai-je à lui demander de monter chez moi? Ce serait bien la première fois que j'hésiterais, quand bien même je n'avais pas d'idée derrière avec la tête le concernant... Shouta ne devait pas être ce genre de garçon, j'en étais persuadé.

- Kinoshita-san n'est pas du genre à négliger les gens, même les employés sont importants pour lui.

Je souris. Même si on était là pour travailler, Rakuen était un paradis pour tout le monde. Heureusement d'ailleurs, car peu de gens se proposeraient pour venir servir des riches pas toujours agréables si c'était pour être mal logé et mal traité.

- Tu veux monter voir à quoi ça ressemble?

Bon voilà je lui avais demandé, j'espère qu'il n'avait pas avoir peur quand même. Mais il n'était pas vraiment tard alors on avait encore le temps de boire un verre, je n'allais pas le manger.

Kyoichi faisait rire Shouta lorsqu'il s'appliquait à jouer le jeu, et c'était presque toujours constament comme ça, surtout au bar où il fallait bien le divertir d'une façon ou d'une autre de ses inlassables cocktails. Il était beau, drôle, et cette façon qu'il avait de faire... ces petites moues si adorables et ces regards mielleux... Comment voudriez-vous que Shouta résiste ?

- Oui, tu as raison... c'est trop difficile je supporte plus ça!
- Ah ben oui, je préfère ça...

Son rire était si... indescriptible. C'était toujours un plaisir d'arriver à le faire rire, à le rendre de bonne humeur, Shouta se sentait fier, en quelque sorte, d'arriver à rester presque aussi naturel que possible en sa présence. Et Dieu sait que c'est dur de garder le contrôle de soi-même lorsque vous avez la personne que vous aimez en face de vous.

Shouta se laissait guider par les pas de Kyo, qui l'amenait devant le premier immeuble qu'ils rencontrèrent. Il sentit un petit pincement au coeur. Ils devaient se dire au revoir là ? Maintenant ? Shouta n'avait pas vu le temps passer en sa compagnie et il n'avait même pas réfléchis à une manière d'aborder ses sentiments. Comment expliquer tout ça à Kyo ? Il vallait mieux lui dire ? Lui montrer ? Peut-être que cela pouvait encore attendre... Demain, ou après-demain... Mais il avait tant repoussé ce jour. Et enfin il y avait entre eux une réelle amitié, hors club, hors bar, que Shouta avait tant espéré... ce n'était pas le moment de baisser les bras, ça, non. Il était sur la bonne voix, il le savait, il ne pouvait pas de nouveau se rétracter.

- Kinoshita-san n'est pas du genre à négliger les gens, même les employés sont importants pour lui.

A vrai dire, Shouta semblait avoir déjà décroché de ses paroles, tant il réfléchissait à comment aborder la question. Finalement, maintenant qu'il comptait véritablement se lancer, tout avouer semblait beaucoup plus dur. Et si jamais... Il lui disait clairement qu'il ne voulait pas ? Si jamais Shouta restait déçu ? Il y avait tout un tas de possibilités, mais peu lui convenait. Il n'y en avait même qu'une seule qui pourrait le combler totalement...

- Tu veux monter voir à quoi ça ressemble?

Cette question le tira soudainement de ses pensées. Monter dans l'appartement ?... Ce n'était pas l'envie qui manquait, après tout, passer encore un peu plus de temps avec Kyoichi n'était jamais de refus... Mais là, c'était un peu délicat. Il ne se sentait pas vraiment capable de se faire jeter dans l'appartement du garçon qu'il aimait. La défaite serait alors encore plus dur à gérer... Non, si le barman refusait d'aller plus loin avec lui, ça se ferait ici. Il ne voulait pas que ses avances soient pris pour une invitation à coucher, ou autre truc du genre. Non, Shouta parlait de quelque chose de beaucoup plus sérieux, il voulait que Kyo l'aime, pas qu'il couche juste avec lui...

- P-peut-être pas, non... Je veux pas t'embêter trop longtemps. Mais enfin... Je voulais quand même te dire un truc...

Comment dire ça sérieusement ? "Je t'aime" Ah... Peut-être un peu trop scolaire non ? Et ce n'était sûrement pas le genre de déclaration qu'aimait Kyoichi. En vérité, il ne savait pas bien ce qui pourrait lui plaire.

- Enfin... Je ne sais pas trop comment te dire ça...

Son regard se baladait un peu partout, hésitant, puis vint finalement se reposer sur celui du barman. Shouta savait qu'il se mélangerait dans ses mots, qu'il n'arriverait jamais à dire tout ce qu'il avait sur le coeur. C'était quasiment impossible pour lui, et sûrement trop ennuyeux pour Kyo. Il se mordit la lèvre inférieure doucement, hésitant encore un peu sur ce qu'il y avait à faire. Puis, il prit finalement son courage à deux mains, bien décidé à faire comprendre au barman ce qu'il ressentait pour lui.

Il s'avança juste un peu et d'une main timide vint plaquer avec douceur Kyoichi contre le mur. Shouta sentit son coeur battre à toute allure contre sa poitrine, c'était peut-être le mauvais choix mais désormais, il ne pouvait plus reculer. Son regard s'arrêta sur les yeux de Kyo, puis sa bouche dangereusement tentante. Une de ses mains se glissa vers sa hanche tandis que l'autre remontai vers son cou, irrésistiblement attiré par les lèvres légèrement entrouverte juste devant lui. Les secondes défilèrent une à unes dans l'esprit de Shouta, penchant peu à peu ses lèvres vers celle de Kyoici. Doucement, tendrement, il l'embrassa comme il rêvait de le faire depuis le début. Le temps sembla s'arrêter, le laissant profiter de cet instant magique pour l'amoureux qu'il était. Il appuya encore un peu ses lèvres, resserrant l'étreinte qu'il avait sur ses hanches. Il ne voulait surtout pas brusquer les choses, n'osant pas trop s'imposer plus, comme à son habitude, laissant le choix d'approfondir le baiser ou non à Kyo.

Je relevai les yeux vers Shouta, attendant sa réponse, mais j'eus l'impression que ma question l'avait surpris. Oups j'y avais peut-être été un peu fort, j'avais essayé de ne pas trôp le choquer depuis le début mais je crois que là j'avais réussi. Cela dit, j'espérais qu'il ne se faisait pas d'idées sur mes intentions, ce serait très embarassant... autant pour moi que pour lui d'ailleurs, mais je n'avais aucune intention de lui sauter dessus... pas s'il n'en avait pas envie, et quand bien même - encore une fois - je savais bien que Shouta n'était pas ce genre de garçon, et c'est pour ça que je l'adorais.

Cependant, moi j'étais ce genre de garçon et Shouta aurait bien eu tout le loisir de le remarquer au bar lorsque des clients flirter plus ou moins - voire carrément - avec moi, et je dois dire que s'ils me plaisaient je ne me retenais pas de le faire savoir, je n'avais pas de raison de garder ça pour moi de toute manière, ce n'était pas comme si le règlement du club me l'interdisait, au contraire.

Je n'ajoutai pourtant rien pour le détromper, préférant attendre de voir s'il pensait vraiment que mon invitation était tendancieuse. S'il ne le pensait pas, le fait de préciser que je n'avais aucune idée derrière la tête serait étrange tout de même... mais je voulais juste passer un moment de plus avec lui.

- P-peut-être pas, non... Je veux pas t'embêter trop longtemps. Mais enfin... Je voulais quand même te dire un truc...

"M'embêter"? Mais si je lui proposais de monter c'était bien parce que j'en avais envie, et en plus de ça c'est moi qui lui avait aussi proposé de me raccompagner. Décidément, Shouta n'était vraiment pas le genre à s'imposer, je l'avais déjà compris mais là cela m'apparaissait encore plus. Mais tant pis je n'allais pas le forcer à venir chez moi s'il n'en avait pas envie de toute manière, et puis vu l'heure c'était peut-être compréhensible... pour moi elle restait encore acceptable, mais elle ne l'était pas.

En revanche, le fait qu'il veuille me dire quelque chose, je ne savais pas trop comment le prendre. Il semblait avoir du mal à le dire, or jusqu'à présent il n'avait jamais hésité à me dire quoique ce fut. Ou en tout cas je n'en avais pas vraiment eu conscience. Je crois que ça m'inquiétait un peu, je penchai légèrement la tête sur le côté en faisait un petit sourire, essayant de l'encourager à me parler.

- Enfin... Je ne sais pas trop comment te dire ça...

Ah beh alors je pouvais rien pour lui s'il ne savait pas lui-même. Je crois que c'était la première fois que je le voyais dans cet état... humpf non, en y réfléchissant bien, la première fois qu'il était venu me parler aussi, il était hésitant. A l'époque, j'avais trouvé ça chou, là encore c'était adorable même si la situation était différente et que donc je ne comprenais pas vraiment son changement de comportement. Je n'allais quand même pas le manger, il pouvait tout me dire, je pouvais tout entendre même si ce qu'il voulait me dire c'est qu'il ne viendrait plus, ou quelque chose comme ça.

Je l'observai regarder un petit partout, comme s'il cherchait une issu, avant de reposer son regard sur moi. J'étais perplexe, le silence était assourdissant et j'avais l'impression de pouvoir entendre les pensées fuser dans sa tête. J'allai dire quelque chose, mais je le vis se mordre la lèvre et un étrange éclat apparu dans son regard.

Il s'approcha finalement de moi et me plaqua contre le mur. Je le fixai, surpris, ahuri même par ce geste, et ce que je pensais qu'il allait faire. Son regard passa de mes yeux à mes lèvres, me donnant presque envie de sourire, mais j'étais trop sous le choc pour avoir la moindre réaction. Ses mains se posèrent sur ma taille et sur mon cou, je ne pus retenir le frisson que ce contact provoqua. J'avais du mal à respirer, me demandant s'il allait vraiment le faire... la distance de nos lèvres se réduisaient lentement, je fermai doucement les yeux et ses lèvres s'emparèrent des miennes, tendrement. Mon coeur rata un battement, je crois qu'on ne m'avait jamais embrasser avec autant de tendresse et de retenue, mais je crois que Shouta ne pouvait être que comme ça.

Je répondis à son baiser, étouffant un soupir quand ses lèvres s'appuyèrent un peu plus contre les miennes. Lentement, je passai mes bras autour de son cou pour le rapprocher un peu plus de moi, et j'entrouvris un peu plus mes lèvres sous les siennes pour laisser nos langues se rejoindre et se découvrir. Mon esprit divaguait, Shouta m'embrassait et je n'aurais jamais imaginé qu'il le ferait un jour... je n'avais d'ailleurs jamais vraiment imaginer que notre relation pourrait être plus qu'amicale, et cela me troublait de me rendre compte qu'il y avait déjà pensé. Et je me demandais surtout, à quel point y avait-il pensé?

Je rompis le baiser lorsque mon souffle commença à se faire court, je gardai les yeux fermés un instant avant de plonger mon regard dans celui de Shouta. Un doux sourire prit place sur mes lèvres.

- Alors, c'était sérieux ce que tu m'as dit tout à l'heure... tu t'intéresses vraiment à moi...

J'étais touché, qu'une personne comme Shouta me trouve du charme était agréable, ça me changeait de tous les pervers du bar, et de ceux que j'avais fréquentés avant ça. J'observai son regard, repensant à toutes ces soirées qu'il avait passé au bar avec moi, refusant la compagnie des hôtesses, regardant d'un regard peu amène - que je comprenais à présent - les hommes qui me faisait du rentre-dedans, et mon sourire s'aggrandit soudainement. Je me serrai contre lui, enfouissant mon visage dans son cou.

- Tu es trop mignon Shouta!

Et encore, je crois que le mot était bien faible, mais en attendant d'en trouver un qui serait plus approprié celui-ci ferait l'affaire. Shouta avait tellement hésité à me dire ce qu'il ressentait, je me demandais pourquoi... il était gentil, amusant, terriblement craquant et séduisant, il ne devrait pas être si peu sûr de lui, ça n'avait aucun sens.

- Alors, c'était sérieux ce que tu m'as dit tout à l'heure... tu t'intéresses vraiment à moi...

- Oui…

- Tu es trop mignon Shouta!

- Je… Je t’aime, vraiment… Je suis pas juste intéressé par toi, j’ai… J’ai vraiment envie d’être avec toi…

- Est-ce que… Est-ce tu m’aimes Kyo ?...

Je fermai les yeux alors que je sentais ses mains aller et venir dans mon dos avec douceur, restant par dessus mon T-shirt. Ce n'était pas que Shouta était différent de ceux que je fréquentais habituellement... c'est qu'il leur était diamétralement opposé. De chacun de ses gestes émanait une agréable tendresse que je n'avais jamais ressenti jusqu'à présent. Tout contre lui, je percevais sa respiration calme, qui contrastait avec les battements effrénés de son coeur... ces battements qui affolaient le mien je crois.

Il déposa des baisers sur mon front et mes cheveux, je n'aurais jamais pensé qu'on puisse un jour être si tendre avec moi. Je dois dire, peut-être que c'était de ma faute, je ne cherchais généralement pas ça, mais ça ne voulait pas dire que je ne le voulais pas. Tout le monde avait besoin de tendresse, mais à bien y penser je crois que je devais être bien pire que les autres. Je n'avais recherché qu'un substitut à ça durant toutes ces années, après la chute que mon coeur d'enfant avait subit. Mais je n'y croyais pas, à notre époque rares étaient les personnes à rêver encore à un éventuel prince charmant. Je soupirai doucement d'aise et laissai mes lèvres effleurer son cou une seconde.

- Je… Je t’aime, vraiment… Je suis pas juste intéressé par toi, j’ai… J’ai vraiment envie d’être avec toi…

Je me figeai et pendant quelques instants j'oubliai même de respirer. Je ne m'attendais pas vraiment à ce qu'il me dise ça, même si j'avais compris qu'il éprouvait une certaine affection et attirance pour moi je... je pensais pas qu'il était amoureux de moi. Et c'était des mots qu'on ne m'avait jamais dit, certes moi je les disais plutôt souvent mais jamais dans ce sens-là. A vrai dire, cela ne me serait même pas venu à l'idée. Il m'aimait... une personne comme lui? Ah mais décidément il ne cessait de me surprendre ce soir... Bon d'accord, il me surprenait agréablement mais s'il continuait j'allais pas tenir longtemps comme ça.

L'une de ses mains remonta remonta le long de mon dos et se posa sur ma nuque, jouant avec mes cheveux. Il ne me lâchait pas, et je n'avais pas envie de partir de ses bras, je m'y sentais vraiment bien mais... je ne savais pas quoi répondre à ce qu'il venait de me dire, est-ce qu'il y avait une réponse à ça? Sachant comme j'étais... il ne pouvait pas l'ignorer, il me voyait agir au bar... Et pourquoi est-ce que je commençais à paniquer? C'était bien la première fois que je me sentais affolé comme ça. Peut-être qu'au fond j'avais peur qu'il se rende compte que je n'étais vraiment pas une personne bien... ah j'étais gentil, tolérant etc... mais sentimentalement parlant, il valait mieux ne pas m'approcher.

- Est-ce que… Est-ce tu m’aimes Kyo ?...

Je soupirai lentement, voilà la question que je redoutais tant qu'il me pose. Mais je comprenais qu'il veuille savoir, après tout je ne l'avais pas repoussé, je n'avais pas l'intention de le faire, c'était normal qu'il veuille savoir si mes sentiments pour lui s'arrêtaient à une simple attirance ou non. Mais je devais bien avouer, qu'est-ce que je pouvais en savoir? Ce n'était pas comme si j'avais beaucoup d'expérience... enfin si, mais non, voilà quoi.

J'ouvris une première fois la bouche, mais mes paroles se bloquèrent dans ma gorge. J'avais peur de le blesser, je savais ce qu'il attendait que je lui dise, mais je ne pourrais pas lui dire... d'un autre côté, je ne pouvais pas non plus lui mentir juste pour ne pas lui faire de mal, en plus j'étais persuadé qu'il s'en rendrait compte. Je desserrai mon étreinte.

- Non... enfin, je ne sais pas...

Je soupirai à nouveau, mais plus nettement, j'étais ridicule. C'était maintenant qu'il allait penser que je lui mentais, vu la façon dont je m'étais repris. Mais je ne pouvais pas clairement lui dire que je ne l'aimais pas, si je n'étais pas sûr d'être amoureux de lui, ça ne voulait pas dire que je ne ressentais rien. Je m'amusais beaucoup en sa présence, j'aimais bien parler avec lui, on se comprenait même s'il était très différent de moi - et en bien évidemment -, je me sentais bien dans ses bras et je le trouvais bien sûr très beau.

Je m'écartai finalement de lui, mieux valait que je lui dise la vérité, s'il avait été sincère avec moi je me devais sans doute de faire de même sinon ce n'était pas juste. Et je n'avais pas pour habitude de ne pas dire ce que je pensais, et peut-être qu'ainsi son opinion sur moi n'en pâtirais pas. Je levai les yeux vers lui pour plonger dans son regard.

- Je vais t'avouer quelque chose... je n'ai jamais été amoureux, Shouta...

J'avais peut-être eu pas mal d'amants - ce dont j'étais plus ou moins fier, ça dépendait des moments -, mais je n'avais jamais éprouvé pour aucun d'eux de vrais sentiments, il faut dire que je ne restais pas assez longtemps pour ça. Je me mordis la lèvre en détournant les yeux, j'étais quand même un peu gêné de lui avoir dit ça. Je posai mes mains sur son torse et jouai timidement avec son écharpe.

- Mais... tu m'apprendrais?

Je le regardai à nouveau, lui lançant un regard timide et quémandeur, accompagné d'un petit sourire. Je ne voulais pas qu'il me laisse, j'étais bien avec lui, je voulais essayer de voir si ça pouvait marcher entre nous. Même si j'étais volage, j'étais fidèle et si j'étais avec lui, je n'irais voir personne d'autre. La tendresse que j'éprouvais pour lui me troublait assez pour que je veuille voir si cela s'intenifierait... enfin, à condition qu'il me donne une chance...

Shouta regretta immédiatement sa question après l'avoir posé, qu'est-ce qu'il lui avait pris de demander ça ? Sérieusement ? C'était débile, gênant, sûrement autant pour lui que pour Kyoichi. Surtout pour Kyoichi à vrai dire. Shouta savait pourtant très bien que son amour était à sens unique, non pas que le barman ne l'aimait pas, au contraire. Mais ce n'était pas le même genre de sentiments... Il s'en voulait de lui demander quelque chose comme ça, il n'aurait vraiment pas dû, et sa timidité commençait déjà a reprendre le dessus. Kyoichi ne voudrait sûrement pas le blesser, mais il ne pourrait pas lui mentir non plus bien entendu. Même Shouta n'aurait pas trouvé ca naturel qu'il lui dise qu'il l'aimait aussi. Un petit sourire dépité s'afficha sur ses lèvres, se reprochant pour la énième fois de lui avoir demandé ça. Il aurait était gêné à la place de Kyoichi mais malgré tout, il ne put s'empêcher d'éprouver une certaines tristesse en le voyant rompre légèrement leur si douce étreinte.

- Non... enfin, je ne sais pas...

En vérité, Shouta avait peur. Kyoichi s'était laissé embrassé, il avait sans doute aimé ça pour continuer ce baiser, mais Shouta continuait quand même d'avoir peur, de voir ses rêves se briser en un instant, de se faire jeter à cause de ses paroles. Il se disait qu'après tout le barman n'était pas du genre à s'engager, du moins, ce n'était pas l'impression qu'il donnait, peut-être alors que les sentiments de Shouta, aussi purs, aussi vrais soient-ils, le feraient fuir. Et c'était peut-être même ça l'embêtant, ne l'aimait-il déjà pas un peu trop ? Alors qu'il n'avait pas d'amour en retour ? Du moins, pas encore ?... Il avait peur d'aimer dans le vide, d'aimer quelqu'un qui ne lui donnerai pas forcément plus de sentiments qu'à un autre.

Le voir soupirer ainsi, aussi délicat soit-il... Ca lui faisait presque mal. Il ne voulait aucunement lui causer de soucis et n'importe quoi d'autres de dérangeant, et Shouta savait qu'avec cette simple question il venait de détruire tout ce qui aurait pu être magique ou romantique dans cette soirée. Du moins, c'était ce qu'il pensait. Il se mordit la lèvre en le voyant clairement s'écarter de lui, il ne savait pas trop comment réagir. Il s'attendait à ce genre de réponses, pourtant ça lui faisait plus de peine que prévu. Il leva son yeux Kyoichi, n'osant pas détourner le regard, il était à la fois curieux et inquiet de ce que le barman pouvait ajouter d'autre.

- Je vais t'avouer quelque chose... je n'ai jamais été amoureux, Shouta...

Shouta se sentait tout à coup beaucoup plus rassuré, et une lueur d'espoir, et même bien plus, réapparue a nouveau dans son coeur. Finalement, Kyoichi ne comptait pas lui dire que c'était impossible entre eux ou que finalement il ne voulait pas... L'inquiétude éprouvée avait presque disparu, lorsque le barman se mit à jouer avec son écharpe. Un sourire s'afficha sur son visage, tout attendri par cette vision, on aurait dit un petit chaton, un animal tout frêle et gêné par ce qu'il venait d'avouer. Et Shouta mourrait d'envie de le protéger, de s'occuper de lui autant qu'il le méritait. Même si ca pouvait paraitre gênant pour Kyoichi, il ne trouvait ça qu'encore plus adorable, malgré tout ce que le barman faisait et avait fait, il ne s'était jamais assez attardé sur quelqu'un pour en tomber amoureux, son cœur avait été en quelque sorte protégé jusque là.

- Mais... tu m'apprendrais?

Shouta sourit un peu plus, retrouvant toute la joie et la bonne humeur qu'il avait gagné. Oh mon dieu... Kyoichi était plus qu'adorable. Il paraissait vraiment sincère, et surtout plus qu'innocent avec ce petit regard qu'il lui lançait. Comment pouvait-on résister à une demande pareille ? Non on ne pouvait pas, et Shouta était sûrement sur cette planète la personne la plus faible face à ce mignon barman.

Kyoichi lui donnait une occasion qu'il ne pouvait décemment pas rater ni refuser. C'était sa chance, il allait la prendre. Si Kyo lui demandait ça, c'est qu'il y avait sûrement un espoir, c'est peut-être qui lui-même y croyait... Shouta savait que le barman avait pour habitude de dire ce qu'il pensait, et rien ne lui faisait actuellement plus plaisir que cet petit aveux qu'il lui avait fait. Shouta le regarda avec tendresse, mais aussi amusé par l'expression toute timide et angélique que le barman affichait sur son visage. Shouta glissa sa main contre la joue de Kyoichi, ne pouvant empêcher le sourire en coin qui prenait place sur ses lèvres. Il le trouvait tellement merveilleux qu'il en devenait presque gêné.

- T'es adorable...

Ses doigts glissèrent vers ses mèches de cheveux qui venait contre sa tempe, jouant avec doucement. Son visage, ses expressions, sa manière d'être avec Shouta, tout le faisait craquer, et rien ne lui plaisait d'avantage que ce barman qu'il affectionnait tant.

- Bien sûr que je t'apprendrais... J'en meurs d'envie...

Shouta se mordit la lèvre doucement, son regard trahissant toute la joie qui le traversait. Il s'approcha de nouveau de Kyoichi, sans pour autant être aussi proche que la dernière fois et vint déposer un doux baiser sur ses lèvres. Le barman le savait maintenant, il savait l'amour que Shouta avait pour lui, et en lui demandant de lui apprendre à aimer, il avait accepté ses sentiments. C'était ce qu'il avait espéré depuis tant de semaines... Pouvoir véritablement être avec Kyo, le considérer pas seulement comme un ami, mais comme un véritable petit copain. Il mourrait d'envie de le câliner, de le caresser, de l'embrasser encore et encore, de lui faire l'amour pour tenter de partager tous ces sentiments qu'il avait pour lui... Il espérait tant de chose que la liste était bien longue, mais il savait qu'à présent il avait ses chances pour les réaliser.

Shouta le regarda dans les yeux, revenant placer les mèches de cheveux qu'il avait dérangé. Un frisson de bonheur le parcourut. C'était wow... Tout était allé tellement vite ce soir. Combien de temps cela faisait-il qu'ils étaient dehors ? Il ne savait même pas. Il avait perdu toute notion du temps depuis qu'il s'était mis en tête de lui avouer ses sentiments sur le pas de sa porte. D'ailleurs maintenant qu'il y penser... Il n'avait aucune envie de le quitter, pas maintenant, pas après ça... Retourner à sa maison sans Kyoichi à ses côtés aurait été une véritable torture.

Une idée lui vint à l'esprit, mais il hésita encore une fois. Après tout, il avait refusé sa première invitation à monter, bien qu'il avait ses raisons... Maintenant c'était un peu différent, d'accord, mais quand même... Il avait peur de passer pour celui qui s'invitait. Et même pire, pour celui qui voulait déjà coucher avec lui. Ah non, ça il ne voulait pas paraitre de ce genre aux yeux de Kyoichi. Il fallait avouer que cela ne le dérangerait pas, loin de là, mais... C'était plus pour le principe. Shouta voulait que Kyo soit sûr qu'il n'était pas comme tout les autres à vouloir uniquement son corps. Shouta la regarda, un peu hésitant, et visiblement gêné.

- Est-ce que, euh... Est-ce que je peux monter... Chez toi... Quand même ?

A vrai dire, je n'osais pas vraiment le regarder, mais je devais lutter contre cette envie de fuir... je n'étais pas lâche mais là je n'étais pas loin de vouloir aller me cacher quelque part. C'était bien le premier à qui j'avouais une telle chose, mais ce n'était pas comme si j'avais l'occasion de parler de ça à n'importe qui. Et puis ce n'était pas comme si je m'en cachais mais je n'allais pas non plus le crier sur tous les toits. On s'entend bien aussi que ceux qui ont déjà étaient amoureux ne s'amusent pas à le dire partout, seuls leurs amis sont au courant... et à présent ici je n'avais plus réellement d'ami. Enfin, pas en tant que tel.

Un sourire étira finalement ses lèvres, ce qui me donna le courage de ne pas détourner les yeux. J'avais peur de sa réaction à mon aveu mais il ne semblait pas le prendre trop mal, ni me trouver arriéré. La tendresse qui transparaissait dans son regard me faisait chaud au coeur, il posa une main sur ma joue et je fermai les yeux une seconde pour apprécier ce doux contact.

- T'es adorable...

Je sentis mes joues rougir et j'espérai que - si c'était vraiment le cas - ça ne soit pas trop visible, ce serait d'autant plus gênant. Pas que j'ai besoin d'être gêné de quoi que ce soit devant Shouta après ce que je lui avais dit mais bon tout de même. Peut-être qu'une part de moi était plus fleur-bleue que je pensais l'être et que Shouta la faisait remonter à la surface petit à petit... peut-être... cela me rendrait peut-être un peu moins différent de lui et j'aurais peut-être moins l'impression d'entraîner quelqu'un de bien dans mon univers peu recommandé.

Ses doigts glissèrent sur mon visage et jouèrent doucement avec une mèche de mes cheveux. Un petit sourire prit place sur mes lèvres, je ne connaissais décidément personne d'aussi doux que lui... oui si quelqu'un pouvait bien me faire changer, c'était lui sans aucun doute.

- Bien sûr que je t'apprendrais... J'en meurs d'envie...

Mon sourire s'agrandit et je le vis se mordre la lèvre avant qu'il ne se rapproche à nouveau de moi. Il déposa un baiser sur mes lèvres, je voulus reprendre ses lèvres aussitôt mais je m'en empêchai sans trop savoir pourquoi. Peut-être juste parce que je voulais le laisser faire, voir ce qu'il allait faire maintenant... moi je savais jusqu'où je pouvais aller, je savais que si j'avais envie de faire quelque chose je le ferais, et probablement que lui aussi le savait, il connaissait bien ma façon d'agir. Mais lui, je n'avais aucune idée de ce qu'il avait en tête, je voulais le savoir, je voulais qu'il me surprenne.

Maintenant que je savais les sentiments qu'il avait pour moi, il y avait en moi quelque chose qui me disait de le laisser mener la danse, de ne rien brusquer... d'une part parce qu'il s'y connaissait sans aucun doute bien plus que moi en relation amoureuse, mais aussi parce que je voulais qu'il sache que j'avais compris ses sentiments, que je le prenais au sérieux et que je ne voulais pas jouer avec lui ni me moquer de lui parce qu'il m'aimait.

C'est pour ça que quand je vis une nouvelle hésitation, j'attendis, me contentant de continuer à fixer ses beaux yeux rivés sur moi. J'aimais sentir son regard, et je me rendais compte que j'avais toujours aimé avoir son attention même si je n'avais réellement jamais rien fait pour l'attirer, pas intentionellement en tout cas. J'étais resté moi-même, aussi bêtement que je pouvais l'être mais cela avait visiblement suffit. Et lui était juste resté lui, gentil, attentionné, amusant, ce que je voulais, ce qu'il me fallait sans doute pour que je cesse de me détourner du "droit chemin". Mais ça encore, je m'en fichais, seule comptait la place qu'il avait réussi à se faire dans mon coeur.

- Est-ce que, euh... Est-ce que je peux monter... Chez toi... Quand même ?

Je haussai les sourcils, surpris - agréablement surpris évidemment - qu'il me demande ça. Après tout je le lui avais proposé le premier, et puis après la conversation que nous venions d'avoir je n'étais pas sûr de vouloir qu'il parte comme ça, simplement.

Je souris à nouveau et laissai glisser mes mains le long de son écharpe - que je n'avais toujours pas lâchée - et j'attrapai l'une de ses mains, entrelaçant nos doigts.

- Bien sûr que tu peux. Je te l'ai proposé, non ?

Je me collai à lui et déposai un baiser sur sa joue avant de repartir vers l'immeuble, sait-on jamais, des fois qu'il changerait d'avis. J'espérais quand même ne croiser personne, bon j'étais à peu près sûr de ne croiser aucun hôte puisqu'il rentrait rarement à cette heure-ci, mais si je voyais d'autres employés du club je pouvais être certain que j'en entendrais parler quand je les y verrais. Dans ma lancée, je me dirigeai vers les escaliers, heureusement je n'habitais qu'au deuxième étage alors ça ne nous tuerait pas de monter les escaliers.

Une fois devant la porte de mon appartement, je sortis les clés de ma poche et l'ouvris. Je fis entrer Shouta avant de refermer la porte et je me tournai vers lui en souriant.

- Voilà, c'est mon appartement ! Fais comme chez toi.

Je retirai mes chaussures avant d'avancer un peu plus dans l'appartement, j'allai dans le salon et jetai un coup d'oeil rapide pour me rassurer : c'était pas trop en désordre.

- Assieds-toi si tu veux, je vais chercher à boire.

Je lui fis un petit sourire et m'éclipsai dans la cuisine.

[Suite Appartement n°2001]